Yves-Marie le Bourdonnec décortique The Beast

the-beast-yves-marie-le-bourdonnecA vos couteaux! La Steak Révolution est en marche ! Le film de Franck Ribière sort mercredi en salles. Emmené par Yves-Marie Le Bourdonnec, deux ans de pérégrinations sur 4 continents auprès d’éleveurs argentins, anglais ou japonais avec une obsession unique: trouver le meilleur steak du monde. Je reviendrai mercredi sur le film mais cette semaine, The Beast m’a donné une illustration très concrète du propos tenu dans Steak Révolution : le paradoxe et l’absurdité du marché français, expliqués par Yves-Marie le Bourdonnec*!

The Beast, restau 100% viande. « Pour faire ce que je veux faire », explique Thomas Abramowicz son fondateur qui a ouvert cette semaine, « je suis obligé de me fournir chez les Américains. En France, aucune viande n’est suffisamment grasse pour supporter 16h de cuisson lente ». Volontaire d’un sourcing bleu blanc rouge, Thomas a fouillé et refouillé parmi les éleveurs français, tenté la normande qui possède la viande la plus persillée; faute d’offre, ce texan frenchy a finalement du renoncer à s’approvisionner sur le marché hexagonal. Aucun éleveur n’est capable de répondre à la demande précise de The Beast. Réponse d’Yves-Marie le Bourdonnec à qui j’ai demandé de réagir: Thomas, demande un morceau particulier avec une découpe qui ne se pratique pas en France et une texture jamais produite par aucun bovins de chez nous…Alors, oui, on peut dire que la production française est absurde. Mais dans ce cas précis, il s’agit d’autre chose… C’est le syndrome de l’onglet de veau.
Je m’explique: les chefs français prennent la filière viande dans le mauvais sens (c’est pour cela que je ne veut plus leur vendre de viande!). Ils partent d’une idée de recette qui nécessite souvent un morceau précis, sans se soucier de la conception, de l’histoire, de la problématique de production de l’animal qui engendrent ce fameux morceau…La grande mode de l’onglet de veau (à peine 2 portions dans 180kg de carcasse) c’est un génocide de bébés vaches pour satisfaire la créativité du chef! Mais comme le chef s’en fout, on a recours à l’élevage industriel qui fait des onglets comme des boulons…

A Beast, pas de veau mais du cochon et du boeuf. Thomas cherche entre autres le fameux brisket US, la poitrine de bœuf qu’il fume des heures et des heures jusqu’à arriver à uneextrême tendreté. Aux US, le brisket se cuit entier et il n’y en a que 2 par vache : personne en France ne sait assurer la découpe du brisket de cette façon ni la quantité suffisante pour un restau parisien. Réponse d’Yves-Marie le Bourdonnec: cet endroit de la carcasse n’a pas grande valeur marchande et les bouchers spécialistes de la restauration n’ont aucune plus value à travailler dessus. Contrairement aux parties nobles (train de côtes, filets, faux filet), le coût de ces parties basses de l’avant de l’animal est essentiellement celui de la main d’oeuvre. C’est pour cela que les abattoirs vendent les bas morceaux sans les travailler.

Quelle solution alors s’offrirait à Thomas pour faire en France, un restau de viande à BBQ française? Yves-Marie le Bourdonnec: le brisket sur les carcasses françaises est aussi gras que sur les anglaises et supporterait la cuisson. Le problème est que très peu de bouchers commercialisent la carcasse entière. Ce morceau qui est une petite partie de la poitrine, part très souvent dans les usines à steak haché. La solution pour Thomas serait de se faire former par un boucher (moi par exemple, mais cela a un coût); ainsi il saurait lui même se procurer son brisket auprès de Rungis ou d’un abattoir. Il tiendrait ainsi sans problème le prix.

Thomas aurait bien fait appel à Tim Wilson, le fameux éleveur anglais qui sert déjà Frenchie et quelques autres privilégiés parisiens. Histoire de varier les plaisirs, il s’est finalement tourné vers Metzger, seul fournisseur à avoir compris que pour bien vivre en Porche, il fallait savoir répondre en quantité, qualité et rapidité. Ses viandes sont affinées trois mois au grain après élevage, découpées prêtes à être enfournées, débarquées sous vide, prêtes à l’emploi!

 

Yves-Marie le Bourdonnec invité ce matin de FR Gaudry sur France Inter