Le palace vs le Squer

le-squer-george-V-dessert-cremeAlleno chez Ledoyen, Le Squer au George V. Le jeu des chaises musicales des chefs de la rentrée a donc envoyé le triple étoilé dans le fameux Four Seasons parisien. « Une évidence pour le George V« , explique la communication. La ligne directrice pour le nouveau vieux (57 ans) chef du palace : préserver les valeurs françaises! Dans le contexte actuel, les termes font craindre le pire. Au milieu de ces tapisseries flamandes et de ce mobilier XIXè, la maison esquisse tout de même le mot modernité. Quand on vient tout juste du Plaza refait à la rentrée par Ducasse et Jouin, la notion semble toute relative. Surtout quand la première mignardise est encore à la sphérification. So 2006! Pour le reste, vaste nappage, chaise avancée, chariot d’apéritif et couples de sexagénaires une table sur deux. Si ça n’était un sommelier, Eric Beaumard, jovial et décontracté en costumes à carreaux, ça ronronnerait sévère. 145-210€ au déjeuner. Faut-il être riche pour être moderne? Tous les attendus du palace figurent à la carte: homard, langoustine, St Pierre, turbot, truffe, cèpes et « le meilleur ris de veau de Paris, «  s’enorgueillit Christian le Squer lui même mais sinon « tout est bien« . « La cuisine parisienne est faite de mariages, de tradition et de patrimoine. C’est une cuisine bourgeoise de matières premières« . Effectivement, les plats ne trahissent pas le propos.

« Le chef a saisi l’opportunité de se remettre en question dans ses présentations« , précise José Silva le directeur de l’établissement. Un grand pas pour l’homme un tout petit pour l’humanité, José… Dans un monde gastronomique ultra créatif, ouvert au monde, on ne saurait se contenter de rendre un spaghetti carré* pour se dire contemporain. Surtout quand Marx l’a déjà présenté en sphère du temps de Cordeillan Bages et la cuisinière en dôme dès les années soixante. Il reste néanmoins assez osé pour un triple étoilé de se lancer dans le jambon spaghetti ou la gratinée d’oignons (70€) qu’on rechigne à essayer, bien qu’annoncée « contemporaine ». Erreur. Celle-ci s’avère sans doute le plat le plus caractéristique de ce passage aux années 2000. Un mix très réussi entre soupe à l’oignon – i croûtons bien sûr – et gratin d’oignons sucré salé. Suivent le cantique des classiques. Langoustines en deux cuissons qui font un peu perdre la force naturelle de ce produit phare breton, salade de homard bleu – belles textures et grande générosité – , bar au caviar (zut, trop cuit !!! mais la louche de petits oeufs noirs compensent la frustration)…Dessert volé au temps : le givré laitier arrive dans un montage à la Franck Ghery. Copeaux blanc synthétique qu’on dirait piqués à Pierre Cardin, biscuit, crème le tout dans des goûts de peau de lait et de levure fraiche qui envoie le palace au fond d’une étable. Un aller-retour Bretagne Paris, rustique-moderne qui nous ramène cette fois le temps présent. Alors chef, expliquez nous votre vision de la modernité.  « J’ai fait des plats signatures redesignés« . Redesignés? Qu’entendez-vous par là, interroge alertée l’auteur de Design Culinaire. « C’est à dire mettre un packaging. Faire des assiettes modernes, des formes de dressage« . Heu… D’aucuns prient pour un retour au rang des trois étoiles pour celui qui en déjà 12 ans derrière lui. Nul doute que le Cinq soit à la hauteur des critères Michelin. Un peu plus d’interrogation par contre sur nos envies actuelles de cette tradition là en cuisine.

* les dits spaghetti au jambon à la truffe et crème de parmesan ayant été, soit dit en passant, expliqués à ses élèves de Ferrandi… il y a 9 ans.

Infos Pratiques

Le Cinq

31 Avenue George V, 75008 Paris
Tel : 01 49 52 70 00
http://www.fourseasons.com/paris/dining/restaurants/le_cinq/