Hardiquest fait son Passard

Christophe Hardiquest imitant Alain passard dans ses cuisines

Christophe Hardiquest imitant Alain passard dans ses cuisines

Samedi, Julien Allano recevait son 3è invité de l’année: Christophe Hardiquest. Le bruxellois, belle bête bi étoilée (19,5 au Gault & Millau), rigolard et bien dans sa peau (3 séances de marche rapide par semaine, ndlr), a débarqué de son salon d’artisan cuisinier en Provence après 9h de route avec deux piliers du Bon-Bon, avec sa super team (son jeune chef de salle et son second, français) pour un menu en 8 services accompagné des côtes du Rhône de la famille Bréchet. Des tagliatelle de seiches hallucinantes, un foie gras cuit dans l’argile contestataire, une langoustine rôtie encore vivante, ce fut un très beau moment de gastronomie.
Bel exercice de style où une maison mouille sa chemise et investit dans la rencontre pour avancer. L’occasion pour échanger avec ce chef belge qui sort peu de ses cuisines pour de tels exercices (il arrivait quand même de Gélinaz à Londres), garde toute humilité tant vis à vis des autres que du produit, mène sa cuisine  avec whaou et la réflexion. Et scoop: Christophe Hardiquest livre son nouveau projet pour Bon-Bon.

  • C’est quoi l’intérêt d’un 4 mains ?

« Chez toi tout le monde pense avec toi »

En 2008, j’ai invité Alain Passard : j’ai fait l’arpette. Je me suis effacé et je n’ai pas eu de problème avec ça.
Parfois on est trop dans notre truc et on en oublie les relations humaines. On a besoin de quelqu’un pour nous dire qu’on dérape. Quand t’as la tête dans le guidon, le vrai luxe c’est le temps. Il faut arriver à prendre du recul, sortir la tête du guidon.
On sait qu’on n’est pas dans sa cuisine mais il faut tout faire pour que ça soit super bon. C’est notre boulot. On s’est engagé, il faut y aller à fond. Tu as quelques heures pour s’adapter aux gens, aux conditions, coacher l’équipe. Ici, tu es seul à penser alors que chez toi tout le monde pense avec toi. Il faut arriver avec beaucoup d’humilité ;  tu te mets dans un petit coin, tu captes l’ambiance et tu avances ! C’est l’apprentissage de la tolérance. Ca n’est pas un concours, c’est un assemblage de talents. On est tous différents, c’est ça qui fait notre richesse.. C’est toujours très bon pour un chef le pouvoir d’adaptation car on active toutes ses capacités. Ca c’est gai !

 

  • Comment jouer entre passé et présent?

« La modernité c’est avoir de petits brins de folie »

On note toutes nos recettes et, régulièrement, on les remasterise. Il y a des idées que je fais revenir du passé et que je retravaille. D’autres que je laisse de côté. On ne doit pas vieillir avec sa cuisine. Tu mets une recette en place, elle doit être évolutive. Je ne veux pas figer une recette.

La modernité est parfois dans une recette classique de 25 ans. Le canard à l’orange, par exemple, ça peut être délicieux comme ça peut être dégueu. La question est comment le faire aujourd’hui ? En désucrant le gastrique, en laquant avec une poudre à l’orange ???

La modernité c’est avoir de petits brins de folie. Que gens ressentent la tendresse et la folie du cuisinier. Le whaou et la réflexion.

 

  • Comment avance-t-on en cuisine?

« On ouvre un labo de recherches »

On a ouvert un labo de recherche début janvier dont mon second est en charge. On analyse tout, on procède à plein de tests, on travaille toutes les cuissons jusqu’à obtenir un résultat satisfaisant. Ensuite, ça peut partir en production. Pour ça, il faut encore adapter la recette.

 

Tagliatelles de seiche au safran et fenouil, consommé de trois minutes à la tomate, mayonnaise ce coques

Tagliatelles de seiche au safran et fenouil, consommé de trois minutes à la tomate, mayonnaise ce coques

  •  Tous les chefs parlent de produit aujourd’hui. Qu’est ce que cela signifie en réalité?

« La sardine a autant d’importance que caviar »

On sent que la cuisine part dans tous les sens. Les chefs s’inspirent de leur terroir mais font jouer la palette des saveurs mondiales. Je pense que l’on va revenir à des choses très terroir. On ira manger du foie gras que dans les Landes ! Je ne vois pas l’utilité de mettre du turbot d‘élevage. Nous on sert du tacaud. La sardine a autant d’importance que le caviar. Une sardine chez Gagnaire c’est LA sardine de Gagnaire : une saveur de folie, un  produit et une relation de confiance.

Car attention, je fais de la haute gastronomie. Je dois avoir accès à un panel de produits, car c’est ce que les gens viennent chercher quand ils cassent leur tirelire chez nous. On reste une maison de bouche. On va y chercher l’exceptionnel. Quand je prends de la langoustine, je ne fais pas dans le petit modèle. Je fais de la 5-9 !

 

  • Comment vois-tu l’avenir de la gastronomie ?

« Nous travaillons à un projet: Le Futur du souvenir »

On est en train de mettre en place un projet autour de la mémoire du goût. C’est à dire qu’on va aller chercher dans la mémoire gustative des gens, leur madeleine de Proust et on va créer sur cette trame de mémoire de goût. Par exemple, u ami m’a dit garder un souvenir ému du hachis parmentier de sa mère.

Je lui ai fait un parmentier de queue bœuf, cuite dans un bouillon avec des cèpes. J’ai fait un montage classique, viande, purée, panko japonais (une espèce de chapelure utilisée notamment pour les tonkatsu. ndlr) avec dessus des champignons crus puis une poudre de cépes. Le type a adoré, il m’a dit « non de Dieu, t’es quand même fortiche ». C’est aux chefs d’aller chercher l’émotion dans la tête du consommateur, le toucher dans des moments de vie.

Ca va demander une vraie organisation. Il faut que l’on crée une base de données, un disque dur pour pouvoir travailler cette mémoire de goût.

 

  •  Quel regard portes-tu sur la cuisine en France aujourd’hui ?

« La France doit sortir de sa zone de confiance »

La France a été à un moment dans un creux à cause de sa tradition. Alleno restera Alleno mais c’est bon quoi !  Aujourd’hui, la jeune génération a une autre manière de voir, en amenant fraicheur et légèreté. On sent à nouveau une fulgurance qu’on avait un peu perdue. Quand on a une maison en France, il ne faut pas avoir peur de l’affronter et de faire une rupture. Ca demande du courage mais il faut sortir de sa zone de confiance.

 

 

 

 

 

Infos Pratiques

Bon-Bon

Avenue de Tervueren 453 B-1150 Bruxelles BE32 0682 5087 8302
Tel : 0032 2 346 66 15

F week-end et lun midi
Bon Bon