Dominique Loiseau: les réseaux sociaux font aussi bien pour nous que les étoiles

©Loiseau

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Treize ans après la disparition de Bernard Loiseau, son épouse Dominique, embarquent le groupe et la maison Loiseau vers une nouvelle histoire: la sienne. Haut et fort, alors qu’elle a perdu un des ses trois étoiles en février dernier, Dominique Loiseau défie le guide Michelin. Comme disait Akrame, déchu lui aussi en 2016, « il faut vivre« . « A partir de maintenant,  c’est Patrick Bertron qui part à la reconquête de l’étoile« , soutient Dominique Loiseau. Ancien second de Bernard, le chef breton arrivé en Bourgogne il y a 34 ans, assume donc la vengeance de Saulieu. Ses plats (langoustine de Loctudy et gelée de Bourgogne aligoté, turbot de pêche de Roscoff et langues d’oursins, filet de bœuf de Charolles au foin) seront mis en avant, les historiques de la maison relégués au rayon des « classiques de Bernard Loiseau » (jambonette de grenouilles, blanc de volaille, foie gras et purée truffée, etc) dans une interprétation contemporaine. « A partir de maintenant , Patrick revisite les classiques de Bernard  qui prennent une plus petite place au sein de notre carte, pour qu’il puisse mieux affirmer son identité propre, de Breton d’origine et Bourguignon d’adoption« , assume Mme Loiseau. Malgré sa colère contre Michelin, avec qui elle s’est expliquée depuis la sortie du guide, elle part ouvertement à la recherche d’étoiles, positionnant Saulieu sur les trois étoiles et ses deux établissements parisiens pour une première. « Il y a un truc avec les étoiles chez nous« , lâche la veuve de Bernard.

 

Quelle est cette nouvelle orientation ?

On avait déjà pris cette orientation mais on ne l’exprimait pas beaucoup. On était en transition, entre Bernard et l’évolution depuis. Aujourd’hui on dit clairement, à Saulieu, c’est la cuisine de Patrick Bertron. Son origine bretonne, ça dans le menu, on ose l’écrire. On identifie mieux sa cuisine. Un chef c’est un chef. On le respecte!

N’aurait-ce pas été plus simple avec un nouveau chef?

Comment aurais-je rassuré les clients? J’aurais mis du temps à lui expliquer ce qu’est le style Loiseau. Les gens y sont tellement attachés. Bertron, ca rassure.  Il y a tout un aspect psychique quand quelqu’un disparaît. Pas question que les gens se disent, « il n’y a plus rien là bas ».

Pourquoi avoir tant attendu?

On se détache pas d’un Bernard Loiseau du jour au lendemain. Quand il vous arrive un truc pareil,  le lendemain vous ne vous dites pas, c’est ma cuisine désormais. On n’en était pas capable et sans doute, le client n’aurait-il pas aimé. Patrick Bertron est désormais arrivé à maturité. Il fallait être fidèle à un homme mais pas faire un musée. Evoluer, ça n’est pas changer du jour au lendemain. Depuis le départ de Bernard, on a évolué régulièrement à notre rythme.

Et vous ?

C’est pareil pour moi. J’ai du me démener. Faire des émissions comme Ardisson c’est pas du plaisir! J’ai fait un bouquin, j’ai du rassurer les gens. Les gens pleurent encore quand ils parlent de lui. Tous les Français rêvent de venir chez nous. C’est incroyable.
Aujourd’hui c’est ma maison. Il y a un esprit, mais je fais comme j’ai envie de faire, sans trahir. J’ai envie d’avoir une maison à maison à mon image. Je rajoute des détails, met une touche féminine, très intimiste, je travaille les recoins, je fais beaucoup le jardin, c’est moi la paysagiste. Tout ce que je fais ici doit avoir du sens : répondre soit à la Bourgogne, soit à Bernard Loiseau. Je ne veux pas une maison poussiéreuse ni nostalgique. On veut pas être triste ni un musée.

Vous repartez dans une séduction Michelin, malgré une prise de position assez virulente contre le Guide rouge dès février…

Je n’ai pas flingué Michelin. J’ai voulu surtout relativiser son impact. Les réseaux sociaux font aussi bien pour nous que les étoiles. J’étais très choquée et déçue mais la réalité c’est que les clients viennent d’abord voir le site avant un établissement Michelin. Le nom Loiseau pour les Français reste tellement fort qu’ils ne viennent pas que pour les trois étoiles. Il y a d’autres atouts. J’ai voulu montrer que je n’étais pas obnubilée par les étoiles comme mon mari. Il y a un truc avec les étoiles chez nous. C’est dans nos gènes. On a eu 25 ans de 3 étoiles.

Mais pourquoi investir à nouveau sur les étoiles?

Cette course est nécessaire. C’est bon pour l’égo d’un chef, d’une équipe. Ça booste tout le monde d’aller vers 3 étoiles. Si on les retrouve pas, on restera à 2 et ça sera très bien. Je ne suis pas Bernard Loiseau. Si je les ai tant mieux, si je les ai pas tant pis. Michelin ne va pas nous les remettre en une année. Ils vont nous faire poireauter un peu parce que si on les récupère, ça va faire beaucoup de bruit. On fait au mieux, on se donne les moyens.

A Paris (Loiseau Rive Droite et Loiseau Rive gauche), vous assumez également cette recherche de la première étoile?

A Saulieu, j’ai beaucoup d’atouts. A Paris, il faut déplacer les gens, sortir du lot, se battre, se démarquer. Pour ça, dans l’ endroit où nous sommes (rue Boissy D’Anglas et rue de Bourgogne, ndlr) , avec la concurrence que nous avons, on pense qu’une étoile c’est bien. Moi, je veux de bons restaurants, pas un concept, je suis peut être trop vielle… ? Mais je ne suis pas les Costes. Camdeborde, c’est un bonhomme! Moi je n’ai pas l’alchimie humaine donc je renforce la cuisine. Pour remplir une baignoire, il faut ouvrir tous les robinets.