St Honoré fait son coming out

maison-st-honore-blé-de-populationAprès avoir définitivement abandonné toute levure dans son pain au profit du levain, la maison St Honoré se lance dans la farine haute mouture! Issue du plus noble du travail paysan. Pierre Ragot vient de faire rentrer des dizaines de kilo de farine de blés de populations du Lot et Garonne broyée sur meule de pierre. « Cette farine est exceptionnelle. Elle a un goût profond, une mie grasse, une croûte caramel. Bien menée au pétrissage, elle a une main d’exception comparable à la douceur d’une pâte à brioche« , raconte le boulanger qui fait un véritable coming out. Parti du conventionnel, converti au bio à Marseille, le voilà désormais militant de farines éthiques.
Car le blé de population est une semence politique. Enrichies de plusieurs populations végétales qui se complètent les unes les autres, ces « populations » sont constituées d’une centaine de variétés anciennes, oubliées, perdues, qui réapparaissent depuis une quinzaine d’années grâce à un réseau de paysans militants, les Semences Paysannes. De hauteurs différentes, de couleurs dissemblantes, ces végétaux instables qui réagissent au climat, à la terre, aux maladies sont l’antithèse des blés conventionnels structurés pour résister et se normer. Ainsi, non trafiqués, ces blés propres répondent notamment beaucoup mieux aux intolérances au gluten. Les paysans du réseau re cultivent ces variétés hétérogènes, expérimentant dans chaque champ des cultures propres à chaque paysan. Chaque mouture de farine est le reflet d’un travail personnel aux champs.
Ces variétés anciennes sont bannies du catalogue officiel. Les graines sont interdites à la vente. Les paysans des Semences Paysannes se les refilent sous le manteau. Petite avancée: ils sont autorisés depuis cet été grâce à la loi sur la biodiversité à se les échanger au seul prétexte d’ « entraide agricole »… Seuls les produits transformés (donc la farine) sont légaux. Voilà donc pourquoi on trouve peu de farines issues de ces blés sur le marché; pour les boulangers qui en veulent, c’est le parcours du combattant ; voilà qui explique leur prix élevé – trois fois plus cher plus qu’une farine bio! – et justifie le tarif du pain parfois un peu disuasif : 12€ au kilo le pain au levain issu de blés de populations à la maison St Honoré, 13,5€ chez Thierry Delabre à Paris.
Ce sont des blés qui obligent à cultiver dans la diversité car les variétés se complètent les unes les autres et s’adaptent plus ou moins bien au terroir sur lequel elles poussent. La sélection se fait donc naturellement. Ainsi, les paysans font-ils de nombreux essais de plantation pour voir ce qui marche le mieux. Au contraire du blé conventionnel « sélectionné avec un arsenal d’engrais et de traitements pour garder en mémoire les conditions d’environnement et les maitriser« , au contraire du bio « sensible aux intempéries et aux attaques de maladies« ,  les blés de population eux, « stabilisent donc les rendements« , explique Christian Dalmasso, paysan boulanger en Isère qui cultive ces blés depuis 15 ans. Chaque paysan fait donc son propre mélange et oblige chaque boulanger à s’adapter à ces variations. Ainsi, c’est un vrai retour au travail obligatoire de boulange et le renoncement à appliquer dans le fournil un process définitivement établi. Mais « travailler le blé de populations est un vrai régal« , se ravit Pierre Ragot. Nonobstant le coté éminemment sain de ces farines, le goût du pain est à mon sens incomparable. Parfumé, envahissant, puissant, gris brun, ce pain fait de farine de blés de populations donne du vrai caractère à nos tartines.

A Paris, Thierry Delabre dans le 13è (sur commande uniquement) et la boulangerie Bonneau dans le 16è travaillent eux aussi les farines de blés de populations.

 

 

Infos Pratiques

Maison St Honoré

1 RUE D'ENDOUME 13007 Marseille
Tel : 04 91 90 25 69

Mar, sam 7H.19h30, dim jusqu'à 13h