Y aura-t-il du vin d’Alsace à Noël?

vins-alsace-noelLe Bordeaux, on n’en boit plus depuis une décennie, le champagne, on n’a plus le budget, le Crozes, c’est déjà toute l’année, reste donc pour le réveillon à se tourner vers l’Alsace. Terroir complexe s’il en est, la région toute en « eim » qui s’étend de Strasbourg à Mulhouse, a largement de quoi couvrir le repas du foie gras à la bûche. Une fois n’est pas coutume, il serait malicieux de fouiller le vignoble pour de très beaux accords originaux. S’il n’en était qu’une, pour la raison suivante : « l’Alsace est un eldorado à des prix ras les pâquerettes », assure l’un des ses vigoureux représentants d’Orschwihr, Frederic Schmitt. « Pas cher et de bonne qualité« , confirme Saeko Akishige sommelière au restaurant l’Automne qui propose une belle sélection d’Alsace. « De bons vins nature, pas forcément sucrés qui se marient très bien avec les grands classiques français« , poursuit son chef de mari Nobuyuki Akishige féru de pithiviers et de gibier sauvage. Ensuite, et surtout, parce que l’Alsace mérite bien mieux que l’association ultra galvaudée par nos brasseries, des huîtres et du riesling, de la choucroute et du Sylvaner.

Saumon, volailles à plumes, poissons fins, fromages et noix, tout s’accorde judicieusement avec l’Alsace. « Je veux faire des vins qui sont faits pour être bus à table », lance Philippe Zinck qui revendique son obsession à cultiver et élever pour la table, « il faut qu’ils soient buvants. Quand on mange, ils restent puissants en goût mais légers, digestes, aériens », s’envole ce jeune vigneron vertueux. Muscat, Riesling, Pinot Gris et Gewurztraminer, les 4 cépages ouvrent le champs de possibles pour un festin entier. Et pour les grandes occasions, l’on pourrait par exemple, étonnamment sans se ruiner, plonger dans les Grands Crus. 51 terroirs d’exception, 17 Grands Crus, quatre cépages, voilà de quoi faire. Et les bonnes caves ne manquent pas de références.

Shizo et bêtes à plumes

Etonnante rencontre entre le magret et un blanc. Le citronné d’un Kirchberg blanc (grand cru commune de Barr), à la pointe minérale et la fin de bouche légèrement acide, soutient étonnement le magret de canard accompagné d’une purée parfumée de shizo. L’accord un peu surprenant de prime abord, finit par s’arrondir en souplesse. Philippe Zinck revendique lui de « fabuleux accords sur des faisans rôtis » ou encore un «carpaccio de poisson, Riesling 2010 et je suis le plus heureux ». Le pigeon, les truffes s’accordent de même. Et pour ceux qui passeraient Noël aux Antilles ou qui pensent que la harissa-dinde est un accord incontournable, on conseillera sur des mets bien épicés, guidé par Jérôme Gagnez, un grand cru Hengst pinot gris 2009, domaine Stentz-Buecher (domaine bio, présent au marché de Noël de la gare de l’Est du 1er au 16 décembre).

Pinot gris : l’autre pinot

« Ses richesses aromatiques font qu’on peut les envoyer sur pas mal de mets différents« , assure Perrine Croisier du domaine viticole de Colmar. « Ses notes fumées que l’on peut ressentir vont à merveille avec le foie gras« . Idem côté poisson… Pas le plus aromatique, mais celui qui garde le plus de corps. Minéral, peu intense, il sent les fruits secs et la pierre frottée, d’un gris vert (la couleur froide de la jeunesse), une fraicheur qui sied, à l’extrême, au saumon fumé qui s’accordera, en contraste avec cette légère acidité. Puisant dans les grands crus, notes pâte de coing, caramel, noix, on l’enverra aussi avec conviction sur un gibier à plumes et les volailles sauvages. Plutôt que l’évident Riesling (que l’on choisirait jeune de toutes façons), tentez le sur les poissons de fête, en sauce à la crème.

Vendanges tardives & crémant rose

Une fois encore n’est pas coutume, oublions à Noël le Brillat-Savarin auquel on ne résiste jamais malgré sa propension à nous plomber irrémédiablement sur nos sièges. Préférons-lui un parmesan de choix, sec et vieux, voire une mimolette du même âge. En gouter quelques fines lamelles râpées à l’économe en se délectant d’un jus de grains nobles élevé sur lie. C’est chic, inattendu et terriblement féminin. Tentez aussi un crémant sur un Brie de Melun bien affiné. Très remarqué dans mon dernier voyage dans les grands crus alsaciens, un exceptionnel crémant de cœur de terroir extra brut de Frédéric Schmitt, bu en 2008, uniquement en magnums, numérotés, dégorgés au fur et à mesure de la vente, issus de cœur de cuvées, 5 ans sur lattes minimum! Riche en arômes tout en gardant la raideur d’un extra brut, d’une belle couleur dorée, bulles fines, il remplace magnifiquement un champagne. Et comme, on ne vous mettrait pas dehors sans le sucre, petit chocolat digestif et Gewurztraminer ou crémant rose d’Alsace restent jusqu’au bout de rigueur. Histoire de clore le diner et l’année autour de ce pays de vignes, on plongera dans ses nombreuses eaux de vie pour digérer tout ça et attaquer 2018 le verre assuré. Voire ce whisky Uberach made in Alsace découvert à l’Automne, un single malt numéroté, vieilli en fûts de Romanée Conti. Joyeux Noël!