Ce corps de 50 ans

moix-femme-cinquante-ansComment j’étais à 25 ans ? Qu’est ce que je faisais en 1993 ? A quoi je ressemblais ? J’apprenais le sexe avec un homme de 10 de plus. Je buvais mal, mangeais banal. De très longs cheveux blonds qui poussaient depuis bébé. Un photographe de presse régionale avait kiffé, me demandant à l’occasion d’un « shooting privé », entre midi et deux, de découvrir un sein et plus si possible. Je n’en regrette pas moins de belles photos de ces années.
Je gardais encore quelques rondeurs de l’adolescence. Je m’habillais fleuri et large.
Je n’avais pas eu d’enfant mais pourtant un ventre jamais plat. A les regarder encore aujourd’hui ces toutes jeunes filles à Marseille qui affichent leur bidon rond sans question, je vois bien que la femme n’est pas faite pour l’œuf au plat.
Et puis j’ai eu cette fille. 20kg en plus et des traces irrémédiables. Et là, tout a changé. Un bonheur inné et absolu. Et la conscience du corps. Neuf mois à observer une chair en mutation, des seins – enfin – lourds et si encombrants, des hypoglycémies pour des calories à vie et des hanches qui naissent parce qu’elles vont être nécessaires. Le 15 mars 2003, sentant cette tête sortir à la vie, j’ai compris mon corps de femme.
A 35 ans, sept mois d’allaitement plus tard, la course à la cinquantaine commence. Cheveux courts travaillés tous les 2 mois, sport quotidien, vins nature, whiskys choisis. Je vieillissais et la jeune cuisine naissait. J’ai nourri la bête des plus belles assiettes, j’ai huilé d’olive ma peau normande nourrie au beurre. J’ai affiné le grain avec les noyaux. J’ai glissé en moi le meilleur gras maturé. J’ai ciselé mon regard sur les plus beaux chefs. Ma langue, précise et fouineuse, a des gouts inédits. J’ai musclé mes organes à force de mâcher. Je bois nature et vis mature. J’ai construit ma ligne dorsale avec ma ligne éditoriale. Je transpire des odeurs de cuisine exquise. Je me parfume de fumets et fume de jolis mets.
Comment je suis à 50 ans ? Qu’est ce que je fais en 2019 ? A quoi je ressemble ? Pour sûr, pas à mes 25 ans. J’aime un homme de 50 et aussi regarder ceux de 25. Je m’habille uni et serré. Je slim encore. Je mets des talons et bouffe le jambon. je mange Grébaut et plus Ginette Mathiot. Plus de rides oui, mais plus de rigueur. Ce corps là… je l’ai choisi, nourri, travaillé, transporté, observé, bousculé, visité, donné.

 

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