Savez-vous planter des choux? A la mode, à la mode…

agriculture-urbaine-le-talus-marseilleL’évènement BC Marseille qui a lieu tout l’après-midi au Talus me rappelle combien l’agriculture urbaine est devenue le crédo des fashionistes. Hier on investissait à Berlin des friches industrielles, aujourd’hui on installe street food et DJ’s dans un jardin. Woodstock nous avait montré le chemin et nos parents (je suis née en 68) avaient déjà bien réfléchi au cool couché dans l’herbe. Mais si désormais les babs restent en ville, les bobos eux vont à la campagne. Tout en restant en ville. Beau projet d’agriculture urbaine, le Talus, urban farm du 12è ardt marseillais, est né il y a tout juste 1 an sur une ancienne décharge. A Beyrouth, on construit des immeubles sur les ordures. Ici, on y fait pousser des radis. « Pensé comme un laboratoire à ciel ouvert de la transition écologique », le Talus convie les visiteurs à venir cueillir leurs salades et arroser leurs poireaux avant qu’ils ne finissent dans leurs cocottes Staub. Le jardin est ouvert à des heures complètement raisonnables pour des urbains trop actifs pour bien dormir: 8h.23h30 le mardi par exemple. Bacs potagers en location, vente de semences et de légumes, chantier participatif, jardin pédagogique, cantine bio, le Talus se déguste de plein de façons sympathiques.
Des projets d’agriculture urbaine, il y en a pléthore (Terre de Mars, Heko Farm, champignons de Marseille, le Paysan urbain, etc).  Etonnamment, Marseille retrouve une activité délaissée dans les années 50. Hier entourée de bastides et de jardins, elle ne garde de ses années vertement prospères où elle était autosuffisante, qu’un canal bétonné, de magnifiques bâtisses abandonnées aux quartiers nord et quelques jardins ouvriers.
Ma visite récente à la Ferme de la Tour des Pins installée au pied des HLM du Merlan, m’a rappelée combien l’histoire n’a aucun scrupule. Marie Maurage exploite 6ha en plein « quartier », ancienne propriété des De Montgolfier, déclassée par l’urbanisation et rachetée par la mairie Vigouroux (qui avait eu un sursaut d’écologie urbaine!) en vue de projets pédagogiques.  « On a cassé un truc et on doit faire machine arrière« , observe ce petit bout de femme forte qui à la sortie de l’A7,  élève des chèvres, fabrique un excellent fromage bio et raconte aux enfants qui ne le savent pas, comment on fait du lait. Toutes ces initiatives vertueuses de production au plus près de la consommation, n’échappent pas aux travers d’une offre limitée pour des mégalopoles affamées et à une certaine muséographie du végétal. Encourageons cela mais continuons à faire saliver nos esprits.

agriculture-urbaine-marseilleLa terre de lotissements est une denrée rare
Militante active, Marie soulève avec pertinence quelques questions. Convainque qu’il faut « arrêter de prendre pour construire, de la terre sur laquelle on peut faire pousser choses« , cette agricultrice citadine qui fait découvrir l’odeur des crottes de bique à des gamins élevés dans le pot d’échappement, fait face tous les jours aux écueils de cette néo écologie. « Ces cités ont été construites sur une terre agricole alors que Marseille était une très grosse ville maraichère« .
 » Pour faire de l’agriculture en ville, il faut de la terre et de l’eau. Si c’est pour faire de l’agriculture dans des bacs à fleurs, moi ça ne m’intéresse pas », rappelle-t-elle. « Ici, on a bétonné le canal , sans réfléchir à continuer à faire couler l’eau. Car à un moment, l’eau brute ça n’intéressait personne; donc c’est terminé. En agriculture, il faut des accès et des routes qui acceptent les tracteurs – avec les traverses, l’autoroute, ici, comment fait-on? – etc. Comment faire en sorte que les exploitants vivent à coté de leurs exploitations? Dans des HLM? Par ailleurs, on voit plein de projets de végétalisation en ville, on pourrait peut-être réfléchir à une végétalisation marchande…
Tout cela demande une vraie réflexion ! Défaire la campagne, c’est relativement simple; dans l’autre sens, c’est plus compliqué« . Avec nos codes et nos envies de citadins qui aiment la vie, le bruit et l’électro, nous aurons grand plaisir cet après-midi à lécher une glace bio, mais sans forcément penser qu’ici et maintenant se joue l’avenir de la planète. Car à quelques mètres de là, la question de l’avenir est un peu plus cruciale.

ndlr: énormément de lectures en ligne autour de l’agriculture urbaine. Je ne cite que 2 ref : La Cité de l’agriculture à Marseille qui dispatche beaucoup d’infos et le parfait podcast d’Upian (qui a fait mon blog) Bons Plants