Mangeons Goujon

A priori, le type de chef assez vieux jeu, Gilles Goujon. Genre « époque Paul Anka » dit on ici et là, « un challenger très France profonde ». Effectivement, la veste MOF est bien ceintrée. Nickel, la marque de fabrique ancienne génération. La salle vient d’être agrandie mais on n’y trouve pas le renouveau. Dans la chambre « Bocuse » ou « Robuchon », on n’ose aucune ardeur de peur qu’un vieux cuistot sorte de dessous le lit.

Et pourtant, ce samedi soir, l’Auberge du Puits est pleine à craquer. Beaucoup de locaux, pas mal de touristes et quelques amoureux ont pris la route cathare toute sinueuse pour Fontjoncouse : 125 habitants, un restaurant, trois étoiles ! Le village ne vit que par cette belle maison. Et cette belle maison vit. A minuit, aucune table n’est encore partie. Ca rit et ça sourit partout. Le service rythme dans l’allégresse une ascension de sept plats. On a offert Goujon pour un anniversaire. Beau cadeau que ce menu « air de fête ». Des amuses aux mignardises, de la gambas à l’agneau, un travail monumental de précision et d’attention.

Mini mini citron du Maroc posé sur une côte d’agneau extrêmement rosée. Le kebab miniature est entièrement fait maison et le couscous tellement précis qu’on est aux souks de Marrakech dès la première fourchette. Les goûts sont forts, marqués d’une particularité sur chaque plat. Les cuissons, ajustées à la seconde : bleue pour une gambas espagnole, à petit feu pour une épaule en méchoui, saignante sur un filet de rouget. Un œuf magique, mollet sans jaune, rempli d’un jus noir de truffe. L’esthétique saute au palais. Militant des premières heures, Gilles Goujon s’abstient désormais de commentaire. S’il parle c’est pour militer. Conseiller municipal pour défendre son établissement peu soutenu par cette minuscule mairie qui sans lui ne serait pas grand chose, chineur de fromages magnifiquement affinés, Goujon s’engage pour faire vivre la cuisine « dans n’importe quel coin de la France ». Démonstration par la passion.

En salle, Vincent Labarsouque (directeur) transmet, raconte, ponctue, situe. Avec lui, chaque plat est une histoire. Inlassablement, il pousse et réexplique son plateau de fromages, véritable meuble institution de la maison. Frédéric Sénéchal, sommelier tout terrain, a lui fait du vin sa vie, à coup de quatre domaines par week end. Le ton est léger mais bien senti, enjoué, toujours.

L’Auberge du Vieux Puits, c’est un vrai coup de fouet au fin fond des Pyrénées. Une table généreuse et heureuse dans un milieu plutôt focalisé 5,5. Un MOF plutôt on que off.

Auberge du Puits | 11360 Fontjoncouse | 04.68.44.07.37 | M 60-125€