Eve et l’orange

Je profite de cette journée de la femme pour ouvrir ma rubrique secrets de familles, avec plein de bonnes recettes. Nous sommes aussi le lendemain du 7 mars, désormais baptisée « journée des grands mères ». La mienne s’appelait mamie Janine. Elle était coiffée en tarte ! Les cheveux blancs relevés autour d’un cercle qu’elle n’enlevait que pour se coucher. Le matin, Ton jean – parce qu’elle appelait mon grand père « mon Jean »  ; et lui « mon cher amour » -  lui apportait au lit un thé Earl Grey, des toasts et de la confiture d’oranges amères. Ainsi, cette odeur de pain grillé se répandait dans toute la maison de Cherbourg, elle en imprégnait les meubles, la vaisselle et l’ambiance matinale de sorte que cette odeur a voyagé avec l’héritage.

Comme je l’ai écrit ici, je suis issue de ces familles où l’on évoque au petit déjeuner de quoi sera fait le déjeuner, et à celui-ci ce que l’on mangera le soir. Au goûter, devant une galette bretonne, l’on évoquait le repas du lendemain. Forgée aux souvenirs de crabes vivants débarqués dans la cuisine de cette grand mère cherbourgeoise. Une cuisine bourgeoise, normande, élégante, un peu cuite mais en son temps très bien faite. Mamie Janine officiait aux desserts. Ton Jean au salé. La cuisine a toujours été entre eux une grande histoire. Nous sommes 16 petits enfants. Tous, nous nous souvenons de cette tarte aux abricots oubliée un jour au four, entièrement carbonisée mais magnifiquement figée et que mamie ressortait des années durant pour nous faire croire au dessert raté…

A peu près toutes les filles ont hérité de ce goût pour la cuisine. Un cousin est devenu cuisinier. Nous n’avons pas tous lu Delteil mais tous échangeons régulièrement nos petits trucs, des recettes assez classiques mais qui marchent toujours très bien. Galette bretonne, visitandines, gâteau d’Eve….

Cette grand mère a laissé un précieux livre dont il n’existe qu’un exemplaire mais une vingtaine de photocopies. Je vous livrerai régulièrement ses recettes écrites à la main que nous pratiquons toujours depuis trois générations. A commencer par la marmelade d’oranges. La seule véritable ! Héritée de la branche anglaise, écrite en anglais par Tante Liliane… et qu’il faut faire en cette courte saison d’oranges amères.