Retour du Plaza Athénée

ducasse-plaza-atheneeAvec 3 mois de recul, je peux désormais affirmer que la rentrée fut Plaza bien sûr. Enfin, Alain Ducasse au Plaza Athénée. J’ai depuis mangé chez deux triples étoilés (la Côte St Jacques de JM Lorain et le Cinq de le Squer) qui ont suffi à me dire combien Ducasse a réussi son entrée dans l’ultra modernité de la grande cuisine française. Il m’a fallu un peu de temps pour digérer cette nouvelle Ducasse story, lire les inepties à droite et à gauche, débattre sur France inter. J’aime aussi finalement écrire à posteriori. Il ne me reste que l’essentiel. Ce qui a pu tamponner la mémoire, enrichir le palais et solidifier le goût. Ici, ça n’est pas tant des plats qui impriment le cerveau mais bien plutôt une expérience globale. Le Plaza c’est un geste.  Si vous n’avez pas encore lu les critiques des uns ou des autres, voici comment on mange au Plaza.

La salle est résolument bling bling. De grosses cloches en hyper métal dans lesquelles ces dames aime à faire refléter leurs gambettes, cachent des banquettes en cuir crème et accoudoir façon bagnole de luxe. Les japonaises et les chinoises ont l’air d’adorer. Moi moins. Au plafond, une multitude de pampilles Swarovski chics et transparentes à la fois. Et tout au fond, une vitre teintée (qui ne révèle l’arrière boutique que la nuit), une belle collection d’art de la table du fameux Comité Colbert. Des petites touches qui ne transforment pas fondamentalement dorures et moulures de cette salle joyau de la Dorchester Collection; juste de quoi dire: je suis passé par ici, me revoilà par là. Plus de nappe, plus de code « haute gastronomie » et c’est tant lieux! Staff féminin bizarrement habillé comme des hôtesses de bar. C’est tout. Enfin presque. Il faut attendre la fin du service pour observer le ballet des plateaux d’argent (qui une fois sur trois n’arrivent à aucun destinataire) et des fruits mûrs sous cloche (un vrai food fashion show), il faut boire un verre d’eau (en cristal exclusif dessiné par Pierre Tachon, soufflé à la bouche, d’une délicatesse impressionnante) pour s’apercevoir qu’Alain Ducasse n’a absolument rien laissé au hasard.

Pas le pain sans gluten de Chambelland, la boulangerie parisienne branchée gluten free, pas non plus ce petit cornichon qui arrive encore tout raide du magnifique jardin de la reine à Versailles. Ni la belle sardine frite qui arrive ensuite, au cas où vous n’en auriez jamais vue, ce qui doit arriver à bon nombre de clients locaux. A manger à la main jusqu’à l’arrête svp. Puis une carte sans prix pour ces dames dans laquelle vous aurez l’élégance de choisir le plat le plus onéreux (160€): lentilles vertes du Puy; caviar doré, délicate gelée. Dans une magnifique timbale en argent digne des chevaliers de tastevin, une rangée de lentilles cuites à point, puis de caviar généreux, et enfin une gelée d’anguille, magnifique de fondant et de raffinement. A côté, une crème rustique à peine aigre Borniambuc et surtout des mini crêpes au sarrasin complètement croustillantes sur le dessus et beurrées comme il se doit de les déguster en Bretagne. Le plat vous happe et vous balance de pute de luxe en fermière creusoise. Une bonne gifle! Et un plat hyper symbole de cette évolution-révolution ducassienne qui oscille entre rustique et opulence. Le Plaza de Ducasse c’est une robe Gucci portée avec des sabots crottés.

Honneur au jeune chef Romain Meder formé à l’école qatari Ducasse, je tente pour la suite le tajine de baudroie (100€). Erreur, le rouget en écailles (95€) était parait-il merveilleux. Les tripettes de stockfish (85€) sont elles aussi d’un raffinement inattendu sur ce plat populaire. Le boulgour du tajine de  » Gérard Crociani en terre noire d’Afrique« … a séché dans son plat de cuisson, la baudroie a été épicée de façon commune. Passons.

Fin du ballet à 380€ sur la peau de lait cru de Normandie, fraises des bois et Fontainebleau (35€). Seuls les anciens ont pu connaître ce goût fermier mille fois décrit par nos grands mères, arrières tantes ou autres Michel Bras. Réhabiliter cette madeleine de ferme dans un palace parisien en 2014, voilà qui est assez couillu. Et cohérent avec l’histoire de Ducasse qui n’a jamais renié le terroir. Bien au contraire.

On gardera la vraie incohérence pour le vin et le portable. Ici, inutile d’essayer de twitter. Ca passe pas et « on n’a rien fait pour que ça passe« , me confiera AD. « Nous ne sommes pas dans l’effet mais dans le fond« . Oui chef! Enfin, dans ce temple de « naturalité » annoncée, aucun vin nature. « Ils ne sont pas assez sécurisés« , me confie sans regret Gérard Margeon, le pilier sommelier maison, qui n’a pas jugé nécessaire d’ajuster sa cave pour l’occasion. Alain Ducasse « libéré affranchi »… mais pas sur tout.

 A suivre: la Libération Ducasse…

Infos Pratiques

Ducasse au Plaza Athénée

25 Avenue Montaigne, 75008 Paris
Tel : 01 53 67 66 65
http://www.dorchestercollection.com/fr/paris/hotel-plaza-athenee/special-offers/185-3-nuits-pour-le-prix-de-2/?gclid=Cj0KEQiAtZWkBRC9ibSfhoKEyLYBEiQA5fDxkYQ_EEpW1gvvdUVm9lxtl9lWuGmRdB91lE5-7lDsxd4aAuQI8P8HAQ
Midis: jeu-ven . Soirs: lun.ven. Menu dej : 380€
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