Les 27 printemps de Yamashita

asafumi-yamashita-actes-sudC’est bien de finir le salon Livre Paris par une touche de poésie qui manque tant à ce rendez-vous du business littéraire. Asafumi Yamashita, je vous en parlais il y a 5 ans, alors que j’étais allée au jardin puis déjeuner chez lui, du temps où il ouvrait sa drôle de ferme pour des lunch intimistes. Voilà qu’on lui consacre un livre, ou plutôt qu’il se consacre un livre car les textes sont de lui. Le personnage est un peu fou et très énigmatique. « Il a débuté en France il y a 20 ans, en faisant des bonsaïs », me précise Sarah Sendra, « un jour, on lui a tout volé.  Alors il a décidé de travailler les légumes japonais…. Il a démarché  Pierre Gagnaire et Pascal Barbot. Et puis les quatre autres dont nous« .
Yamashita sert effectivement en exclusivité trois rares paires de chefs (dont Le Squer), de la capitale qu’il rend fou pour la simple raison suivante: « à la ferme, on cultive 10 plants de melon musqué pour récolter 10 fruits. » Du haut de leurs étoiles, iIls sont donc nombreux à piaffer en onzième position priant pour avoir les faveurs du frivole jardinier de Chapet (ds le 78) et à convoiter ces pièces uniques « haut de gamme que l’on offre au Japon dans des coffrets en bois comme on offrirait en France une caisse de vin premier cru« . Des fois, les chefs attendent et rien n’arrive de la récolte hebdomadaire. Sylvain Sendra est un des rares à avoir eu cette patience -résistance. C’est que les légumes de M.Yamashita sont exceptionnels car traités tous individuellement, Asafumi ajuste la lumière sur chaque feuille (il y en a 25 dit-il) de ses melons musqués. d’ailleurs, c’est un déchirement pour tout le monde, La séparation fait partie inhérente du travail d’agriculteur », écrit-il, « lorsque je me sépare de mes légumes, j’assimile cet acte au départ d’une de mes filles pour son mariage. Lorsque je donnerai ma fille en mariage je ferai tout pour qu’elle soit parée de ses plus beaux atours. Je serai satisfait si sa future famille estime que je lui ai confié « la demoiselle de chez M.Yamashita« . Ses 1000m2 de serres froides sont un bordel sans nom, d’une hygiène pas vraiment conforme à ce qu’attend la DGCCRF, ce qui lui vaut néanmoins des récoltes exceptionnellement hors norme. Un beau livre de printemps (qui paraîtra le 1er avril), avec textes en français (en rose) et japonais (en vert) ce qui le rend encore plus attendrissant.

 

L’homme qui écoute les légumes. No Do. Asafumi Yamashita. photos Alexandre Petzold. Actes sud. av 2016