Dix ans avec Bottura

Londres 2014. Après la cérémonie des 50 Best, Massimo Bottura nous prépare des pâtes

Londres 2014. Après la cérémonie des 50 Best, Massimo Bottura nous prépare des pâtes

Un Italien qui se balade en costume baskets New Balance et qui vous fait les meilleurs pâtes du monde en after privé, comme ça  à l’impro après une grosse soirée qui l’a vu couronner 3è meilleur restau du monde, on lui dit respect et on mange son assiette en se disant que c’est peut-être la seule fois où l’on touchera à sa cuisine. C’était il y a deux ans à Londres. Depuis Massimo Bottura a gagné deux places aux 50 best Restaurants 2016, décernés hier à New-York et il faut compter sur lui comme le nouvel influent. « Nous n’étions pas prêts. Aujourd’hui, nous le sommes« , a sobrement déclaré à NY le chef du meilleur restau au monde. On se doute que le vent brassé par le chef italien depuis plusieurs mois soit pour quelque chose dans cette captation du graal. 2015, c’était l’année Bottura. Massimo Bottura milite à Milan, avec sa Soup Kitchen de l’Expo universelle de Milan, qui parlait de gaspillage alimentaire. Massimo Bottura écrit un livre. « Ne jamais faire confiance à un chef italien trop mince »*, prévient le chef adoubé par Phaïdon. Sa bible couverture marron et lettres d’or explique avec force visuels à la Martin Parr que le sang du lièvre a tout à voir avec Picasso, décortique à grands coups de story telling des recettes comme celle du « Camouflage, lièvre dans les bois » et raconte la naissance de l’esquimau de foie gras (que j’ évoquais dans mon Design Culinaire) refusé par les premiers clients. « Cela ressemblait tellement à une glace Magnum que nous lui avons donné le nom de Magnum de foie gras« . Puis, menacé par la dite société, il l’a rebaptisé « Croccantino de foie gras ». Les pages de ce chef de Modene, né en 62, qui tend à « amener la cuisine italienne dans le 21è s » se lisent comme un roman.

Massimo Bottura et son ami Davide Scabin, saisis dans mon Iphone aux 50 Best 2014 à Londres

Massimo Bottura et son ami Davide Scabin, saisis dans mon Iphone aux 50 Best 2014 à Londres

Si je ne suis malheureusement jamais allée à l’Osteria Francescana, j’ai souvent croisé Massimo, écouté son intelligence et capté sa culture dans mes 10 années de cuisine. Un souvenir par exemple d’Omnivore 2007 où il réinterprétait pour Gélinaz, avec René Redzepi, Thierry Marx, Petter Nillson et Fulvio Pierangelini un plat de Davide Scabin. Cette année là, Andrea Petrini nouvellement nommé président France des 50 Best, se demandait justement pourquoi « des pointures d’internationalissime envergure« , telle que Massimo Bottura ne figurait pas au classement… »mais ça fait justement partie des objectifs expansionnistes de l’année à venir de les voir mettre à feu et à sang le sol anglais« , concluait-il. Mission accomplie. Andrea a giclé mais Bottura est resté. Neuf ans plus tard, le premier chef du monde a fait le chemin, travaillant autant Thelonious Monk que le risotto, le parmesan que Joseph Beuys. « Je regarde de l’art tout le temps« , dit-il. A l’Osteria, « nous regardons le monde sous la table« . Ou encore, « la cuisine n’est pas seulement la qualité des ingrédients mais aussi celle des idées. Créer une recette est un acte intellectuel« , écrit-il dans Munchies, ça « repose sur des visions, de l’intuition, de la velocita. Je sais tout et j’oublie tout« .

Ne jamais faire confiance à un chef italien trop mince. Massimo Bottura. Phaïdon av 2015. 49,95€