Bocuse: l’histoire de la photo du coq

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Bocuse est mort, restent les images. Il y a celle-ci qui a fait le tour du monde et des réseaux ce week-end, n’en déplaise à son auteur qui me rappelle que personne, à commencer par moi, n’a droit d’utilisation. Ce Bocuse octogénaire se dénudant comme un mannequin de GQ, l’oeil malicieux, dévoilant un tatouage tel un hypeux des années 2000. Ce tatouage, on connait son histoire: résistant, Paul Bocuse l’a fait réaliser pendant la guerre par un américan, après avoir été sauvé d’une blessure par les GI, pour faire la nique aux croix gammées SS. A l’heure où le marquage sur la peau humaine avait une sinistre signification, ce coq français s’avère un sacré geste. Bocuse l’a choyé toute sa vie comme le symbole de ce bleu blanc rouge qu’il portait au col et dans sa cuisine. Il lui parlait, m’a-t-on dit, dès que ça n’allait pas: demandait conseil à son galliforme, susurrait des plaintes cocorico, se réconfortait auprès du mari de la poule.

Cette photo, qui nous a révélé le célèbre tatouage, m’interpelle énormément : ce petit sourire, cette vieille peau exhibée sans pudeur, la malice du sourire, le geste fier, le trait du tatouage qui a vécu. J’ai donc samedi recherché son auteur pour rendre hommage, après mon « je n’ai jamais mangé chez Paul Bocuse« , au cuisinier universel. J’ai voulu connaître l’histoire de cette prise de vue. Il y a eu deux photos semblables, celle de Jean-François Mallet et celle de Maurice Rougemont. Je ne sais pas qui a tiré le premier car je n’ai réussi à avoir que le 2è. Voilà comment s’est passé le fameux cliché, selon Maurice Rougemont :
« C’était le 11 sept 2012, je réalisais un reportage pour le Point. Nous avions longuement déjeuné avec Paul Bocuse. Je savais qu’il y avait quelque chose mais je n’en étais pas sûr. Alors après le déjeuner, je lui ai demandé l »histoire de ce tatouage et s’il pouvait me le montrer.  Comme nous étions dans la salle du restaurant, il m’a proposé de descendre en cuisine. Il avait du mal à se déshabiller, il était très fatigué. Quand je l’ai vu, c’était vraiment impressionnant. Il y a eu un grand silence dans la cuisine, tout le monde s’est mis autour, presque au garde à vous (tous le respectaient énormément). Par ce geste, Bocuse signifiait qu’il avait quelque chose à montrer. Ce moment, c’était très impressionnant ! »